Picasso, la fin du début

Publié le 7 Juin 2023



Pablo Picasso mourait le 8 mars 1973, laissant derrière lui une œuvre monumentale que se partageront ses enfants, ses petits-enfants et l’Etat Français. Grâce à la dation réalisée par les héritiers du peintre espagnol, sont nés notamment le Musée Picasso à Paris, le Musée Picasso à Antibes et la Fondation Picasso à Barcelone. Pour célébrer le cinquantième anniversaire de cette disparition, le Musée Picasso d’Antibes a choisi de revenir sur les dernières années de vie de l’artiste, de 1969 à 1972. Pour ce faire, 40 œuvres ont été sélectionnées et prêtées par le Musée National Picasso et des collectionneurs privés.

Cette exposition fait ainsi écho aux deux dernières expositions présentées au Palais des Papes en 1970 puis en 1973. A cette époque, le maître a lui-même choisi les œuvres qu’il souhaitait montrer, sans réel fil conducteur. Il s’agissait plutôt d’une ballade dans ses dernières créations : des grands formats aux cadrages rapprochés. Mais ces expositions ont été mal reçues par le public : au-delà du grand nombre présenté, près de 200, les peintures étaient accrochées trop près les unes des autres, et pour beaucoup ont été considérées comme crues et brutales.

Les années 70 sont marquées par les nouvelles recherches que sont les happenings, l’art conceptuel, le minimalisme. La mort en 1954 de Matisse fait dire à Picasso qu’il est le dernier représentant des grands peintres. Il craint que l’académisme disparaisse, lui qui est un grand dessinateur. De plus, il est profondément marqué par son opération de l’estomac. Elle date de 1965 mais la convalescence fut longue et douloureuse, et surtout, celui qui s’appelait le Minotaure, ce personnage fort, très sexualisé, a perdu sa libido. Il se sent diminué et il retranscrit dans ces œuvres cette perte. Les peintures sont brutales et pour certaines, très érotiques. Le phallus, symbole même de ce qu’il était, est régulièrement présent comme dans la toile intitulée Dimanche. Autre aspect important, Picasso commence à dater ses peintures, comme si l’urgence de créer passe aussi par la marque du temps à imprimer sur la toile.

L’influence espagnole est visible dans de nombreuses œuvres : les couleurs sont chaudes, vives, de vrais camaïeux de rouge et des traits jaunes symbolisant le drapeau espagnol. Et les sujets sont, dans la première salle, liés à des personnages forts, virils comme le Mousquetaire, épée, costume militaire et feutre sur la tête. Et l’on retrouve dans ces dernières œuvres tout ce qui caractérise Picasso : la composition, la lumière, la ligne, la deuxième dimension, et la maîtrise de la couleur.

La tradition étant importante, Picasso l’inclut dans plusieurs œuvres, notamment la Femme à l’oreiller. Ce nu déconstruit est à voir de loin afin de mieux percevoir la position inspirée du Bain Turc signé Ingres. Le classicisme reste vital pour l’artiste, et pourtant il montre également qu’il est capable de mélanger toutes les techniques : tachisme, amas de peinture, lavis. Il ose tout, il fait « sauter » les dernières barrières, mais évoque aussi ce qu’il a apporté à la peinture, la deuxième dimension. Un portrait est représenté de profil et de face, comme dans le Baiser datant de 1969 : Picasso est représenté de face, Jacqueline de profil, en totale soumission à son époux.

Et l’on termine par une salle de portraits où tout ce qu’il a peint, dessiné, interprété, réinterprété, est présent : la couleur, les deux dimensions, l’Espagne, la littérature. Tout ce qu’est Picasso.

Rédigé par Bénédicte LECAT

Publié dans #Expositions

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